Valentina Clemente décrypte le PSG d'Emery

Publié le : 27/01/2017 - 08:00 - Dernière modification : 27/01/2017 - 12:51

Nous avons réalisé une interview de Valentina Clemente (@SailV), journaliste italienne pour le quotidien sportif Corriere dello Sport à Paris, où elle nous parle de la saison actuelle parisienne et se rencontre récente avec Unai Emery. Entretien.

Quelle analyse fais-tu du début de saison ?

"C’était prévisible que le début de saison serait compliqué, parce que passer de Blanc à Emery, c’est un peu le jour et la nuit. Non pas que Blanc ne soit pas à la hauteur, mais qu’il avait une idée assez figée de son style de jeu. Par exemple, on a senti une réticence des joueurs à changer de système lors du match face à City, qu’ils étaient trop habitués à jouer dans leur schéma habituel. Le but avec l’arrivée d’Emery est de réussir à donner à l’équipe plusieurs façons de jouer. Cela a pris du temps, car Emery apporte des nouvelles idées de jeu et les joueurs doivent les intégrer. Comme Nasser l’a dit, il faut que l’équipe ait un jeu pour l’Europe. On verra justement face à Barcelone s’ils sont capables de trouver des solutions et de changer en cours de match pour trouver la faille."

Comment expliques-tu que cela ait été aussi difficile ?

"Ce n’était pas évident pour Emery de faire passer ses idées d’un coup. Face à Lyon, on avait vu ce qu’il souhaitait instaurer, on avait été émerveillé et on pensait que l’effet allait être immédiat. Ils ont produit ce qu’on attend d’eux en Ligue des Champions. Mais ce fut compliqué après avec quelques joueurs qui manquaient notamment, il a fallu du temps pour mettre tout à plat. Dorénavant, on sent du progrès, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. On sous-estime l’aspect psychologique dans le foot, la mise en place tactique ne suffit pas. C’est un ensemble de plusieurs paramètres qui fait qu’une équipe va bien jouer. L’équilibre s’installe tranquillement dans le vestiaire et je pense qu’on verra une meilleure deuxième partie de saison."

"Je pensais qu’Aréola allait être insouciant"

Sans rentrer dans des comparaisons trop simplistes, on peut donc dire que ce changement d’entraîneur est bénéfique…

"Emery peut apporter un plus par rapport à Blanc. Je pense qu’il y a aussi eu un problème de communication, car il ne maîtrise pas la langue française. Lorsque je l’ai interviewé en espagnol, j’ai senti une grosse différence dans le contenu de ses propos. Il demande un jeu de vitesse et d’intelligence, dans les phases offensives et dans la conservation du ballon. Le fait qu’il n’ait pas trouvé un schéma unique s’explique par ça. Il doit adapter son schéma aux joueurs qu’il a. En première partie de saison, le lien entre le milieu et l’attaque était compliqué. On avait du mal à trouver Cavani et lui a besoin parfois de plusieurs occasions pour marquer. Le jeu plus ouvert demande aussi plus de concentration des joueurs."

Penses-tu que la lourde préparation physique ait pu aussi avoir un impact ?

"Oui, cela aussi a pu jouer. Les séances sont doublées, il y a plus de vidéos… C’est comme une mosaïque, pour analyser les résultats, il faut prendre l’ensemble. Si on s’intéresse aux détails un à un, il n’y a pas de scandale. C’est difficile pour que la mayonnaise prenne de suite. "

De plus, Emery n’a pas l’image ou l’aura d’un Zidane par exemple…

"Il est arrivé avec l’étiquette « Ligue Europa ». Il ne faut pas sous-estimer cette compétition dans laquelle il y a beaucoup de tours, des déplacements difficiles chez des équipes « pièges » dans des conditions difficiles. La gagner 3 fois de suite prouve qu’il avait mis en place un système qui marche. À Séville, il a su créer une dynamique avec de bons joueurs, mais pas du même niveau qu’à Paris. Par ailleurs, tout le monde pense que la ligue 1 est facile, on dit que les équipes verrouillent derrière, mais il faut trouver la solution pour percer ce verrou. L’année dernière, Ibra aidait à débloquer, là il faut trouver d’autres solutions."

Depuis la reprise, l’équipe joue mieux. Penses-tu que l’effet Emery commence à prendre ?

"Aujourd’hui, on sent une prise de conscience chez les joueurs. Ils avaient peut-être des doutes, car c’est toujours difficile de faire face à des changements. Et puis avec l’intégration des nouveaux joueurs qui apporte de la concurrence, ce n’est pas simple. Il faut savoir la mettre en place. On le voit avec Trapp et Aréola. Je trouve que l’année dernière, le fait d’avoir pris la place de Sirigu était discutable. Je pensais qu’Aréola allait être insouciant, costaud. Pendant ce temps, Trapp a travaillé plus, a eu un comportement exemplaire, c’est pourquoi il revient bien."

"Jésé pas le meilleur moment pour lui de venir à Paris"

Certains critiquent la concurrence, notamment parce que Jesé ou Ben Arfa ont peu joué…

"Malheureusement, quand on regarde ce que demande Emery, Ben Arfa et Jesé n’avaient pas le physique. Ben Arfa s’investit plus aujourd’hui, il a besoin d’être en forme physiquement pour exprimer ses qualités. Quelque chose a l’air d’avoir changé en lui. Il a l’air de travailler plus que Jesé, qui reste l’inconnue de cette saison." 

C’est-à- dire ?

"Pour avoir discuté avec lui, je l’ai senti impliqué, mais peut-être qu’après sa blessure, il a du mal à retrouver ses sensations et son physique. Le fait qu’il préfère retourner à Las Palmas plutôt que la Roma témoigne du fait qu’il veuille se reconstruire, retrouver la confiance, aller dans un environnement qu’il connait. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour lui de venir à Paris. Il doit être accompagné pour qu’il évite de se renfermer. De plus, la Roma avait besoin d’un joueur prêt de suite. Jesé n’est pas forcément le joueur qu’il faut pour ce club. Cela aurait pu être un recommencement de ce qu’il se passe à Paris. D’un autre côté, l’environnement aurait pu l’aider comme cela a été le cas avec Lucas Digne."

Selon toi, est-ce que Draxler est une bonne recrue ?

"J’étais dubitative sur Draxler mais les premières impressions qu’il dégage sont bonnes. Il semble s’être très bien intégré. Il voulait peut-être changer de statut en passant dans un club plus grand. Cela peut lui donner plus de motivation. Il est parti sur de bonnes bases et c’est positif, car Paris avait besoin d’un joueur prêt tout de suite dans ce secteur."


Pour en revenir à Emery, toi qui as eu la chance de le rencontrer, qu’est-ce qui t’a marqué chez lui ?

"J’ai aimé chez Emery sa façon d’expliquer le jeu qu’il avait en tête. On parle des changements de schéma, mais ce qui importe pour lui, c’est l’animation. Il a voulu mettre en place son schéma en 4-2-3-1, mais a dû revenir en arrière. Il a peut-être péché d’enthousiasme. Il pensait faire adhérer tout le monde par son esprit positif, non pas qu’il était confiant, mais qu’il en avait envie. En voyant la difficulté, il a dû faire marche arrière pour mettre en place sa philosophie. La question de la langue a été un paramètre pénalisant pour lui aussi. Il faut savoir s’adapter aux différentes situations et il a su le faire."

"Ce serait dommage que Verratti parte sans avoir gagné la C1"

Penses-tu que les Parisiens ont les moyens de passer l'obstacle Barcelone ?

"C’est plus facile dans une petite équipe de faire des exploits, car l’entraîneur peut les aider à se dépasser. Là, il y a de grands joueurs et le coach doit dépasser cela. Barcelone peut-être un déclic. Ce n’est pas le Barça de l’année dernière, ça laisse une marge au PSG. Surtout que ça ferait tache de quitter la compétition en 8e . Il ne faut pas partir défaitiste, être solide mentalement. Le jeu est là, Verratti monte en puissance, la défense est solide. Il faut que tout le monde soit là, car dès qu’il manque un joueur important ça devient difficile. Devant c’est un peu plus compliqué, Di Maria doit retrouver son niveau, Lucas n’est pas constant. Le grand manque c’est Pastore, car quand il est là l’équipe ne joue pas de la même manière. Et Paris a besoin de joueurs offensifs en forme, car Cavani doit être bien servi, c’est un joueur qui doit conclure les actions, ce n’est pas lui qui participera à l’élaboration du jeu. J’espère qu’il apportera de la joie aux supporters, ce sera son anniversaire le 14 février, il pourrait leur offrir un beau cadeau ainsi qu’à lui-même."

Comme tu le dis, Verratti revient bien, c’est un joueur très important pour le club. On entend qu’il serait très courtisé en Italie, notamment par la Juventus…

"La Juventus a la puissance financière pour attirer Verratti. Aujourd’hui, c’est difficile de dire ce qu’il peut advenir. C’est dommage de parler de ça au moment où il revient bien, car il a besoin de sérénité. De plus, ça peut aussi avoir des impacts au niveau du groupe. Cela peut se faire au mercato, mais ce serait dommage qu’il parte sans avoir gagné la Ligue des Champions. Ce serait un « manque de respect » par rapport aux supporters, car il est très apprécié."

Nabil (@Nabil_paristeam)